20 ans après

Les leçons de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc ont-elles été retenues ?

Le 24 mars 2019 marque l’anniversaire des 20 ans de la catastrophe tunnel du Mont-Blanc. Inspire a participé à de nombreuses commémorations organisées par les familles de victimes, afin de les soutenir dans leur peine, avec sincérité.

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20 ans après la catastrophe, certaines leçons ont été retenues. La sécurité des usagers du tunnel est maintenant prise au sérieux par l'ATMB. Une avancée importante, qui n'excuse pourtant pas le laxisme évident dont l'entreprise avait fait preuve avant 1999. Les travaux de modernisation de la ligne ferroviaire existante pour la traversée des Alpes ont également été réalisés, afin de permettre de reporter une partie du trafic vers le rail, mode de transport plus sûr et moins émetteur de polluants et de gaz à effet de serre.

Réduire le nombre de camions pour diminuer le risque d’accidents graves

Le risque d'incendie d'un poids lourd reste réel et est très lié à la présence de camions, qui sont à l'origine des accidents les plus meurtriers dans les tunnels et sur les routes alpines, en France comme dans l'ensemble des pays alpins. Or, le trafic poids lourd ne cesse d'augmenter au tunnel du Mont-Blanc et a atteint 622.000 passages en 2018, soit 80% du pic insoutenable de 777.000 poids lourds en 1998.

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3 fois moins de marchandises sur le rail qu'avant la catastrophe

Quant à la voie ferrée existante, elle est 3 fois moins utilisée aujourd'hui qu'avant la catastrophe, malgré un investissement de près d'1 milliard d'€ pour sa rénovation. Seules 3 millions de tonnes (Mt) de marchandises transitent annuellement par ce passage, pour des capacités de 15 Mt par an, selon SNCF Réseau. Sachant que 19 Mt transitent chaque année par la route (tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus), les capacités ferroviaires non-exploitées représentent un réservoir pour le report modal, conséquent, précieux et vertueux pour les vallées alpines. Si ces capacités ferroviaires étaient exploitées ne serait-ce qu’à hauteur de 10 Mt, comme avant la catastrophe, le trafic routier pourrait être diminué de 35% dans chacun des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus... dans l'intérêt de la sécurité routière, mais aussi de la qualité de l'air et de la qualité de vie.

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Chamonix, 29 sept. 2017, Nicolas Hulot, Agnès Byzin, Elisabeth Borne

Chamonix, 29 sept. 2017, Nicolas Hulot, Agnès Byzin, Elisabeth Borne

Les annonces non-suivies d'effet du gouvernement

Lors de sa venue à Chamonix avec Nicolas Hulot, le 29 septembre 2017, la ministre des transports avait annoncé avoir lancé la consultation pour la mise en concession de l’Autoroute Ferroviaire Alpine, pour une prise d'activité effective en 2018. Force est de constater que ce service de navettes ferroviaires, sur lesquelles peuvent être embarqués remorques et camions, stagne toujours en phase expérimentale depuis 2003, avec seulement 30.000 camions supprimés des routes alpines chaque année. Une goute d'eau par rapport aux 1,3 million de poids lourds qui empoisonnent la vie des riverains des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus.

Elisabeth Borne avait aussi annoncé le retour rapide du trafic ferroviaire d'avant la catastrophe sur la ligne existante du Mont-Cenis. Ce trafic était alors de 10 Mt de marchandises par an. Or, il continue de stagner à 3 Mt…

Enfin, elle entendait faire respecter les règles concernant la fraude suspectée de certains poids lourds à l’AdBlue, ces camions neufs dont le système de dépollution est désactivé et qui émettent alors autant de dioxyde d'azote qu’un camion du début des années 1990. Hormis un contrôle, médiatisé, en octobre 2018 au péage de Nangy, les poids lourds tricheurs continuent impunément de circuler sur nos routes, générant une pollution de l'air décuplée et nuisible à la santé. Année après année, les normes européennes concernant le dioxyde d'azote, polluant émis à 70% par les transports, ne sont pas respectées dans la vallée de l'Arve.

Au niveau fiscal, aucun gouvernement n'a jamais mis en place la nécessaire redevance poids lourds ou supprimé les exonérations accordées au gazole du transport routier de marchandises. Dans notre pays, les pollués restent les payeurs.

Un triste constat

20 ans après la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, 3 fois moins de marchandises traversent les Alpes françaises par le rail et la pollution de l’air liée au transport routier est dans l’illégalité dans la vallée de l’Arve, année après année. La France est poursuivie devant la Cour de justice de l'Union européenne pour non-respect des valeurs limites pour le dioxyde d'azote, polluant émis majoritairement par les moteurs diesel. Le nombre de décès lié à la pollution de l'air vient d'être revu à la hausse. 67.000 victimes par an sont à déplorer en France, soit 13,5% de la mortalité annuelle.

20 ans après... la politique des transports de marchandises reste acquise au lobby routier, au détriment de la santé humaine, du climat, de l'environnement et du bon sens. Que d'espoirs déçus, que de promesses non-tenues...

20 ans après, l'émotion des familles des victimes reste intacte et la colère des habitants aussi, contraints de devoir subir des décisions politiques irresponsables et de devoir respirer un air toxique généré par le tunnel du Mont-Blanc, ses 1,3 million voitures et 600.000 poids lourds annuels, dans une vallée de montagne fragile, sensible et sacrifiée.