Projet de route forestière du col de Voza

Un impact écologique certain, une utilité douteuse

Un projet de route forestière entre Le Châtelard, à 800m d'altitude, et le col de Voza, à 1650m, prévoit la création d'une route sur 5,5km et la transformation de 8km de pistes forestières en route forestière, soit près de 14km au total, afin de pouvoir accueillir des camions pour le transport des bois ronds (grumiers) de 48 à 57t. Le coût de l'ouvrage, estimé à 1,4 million d'€ HT, sera financé par des fonds publics. Après le remodelage intempestif de la piste du Kandahar sur l'autre versant du Prarion, ce projet va impacter le prestigieux et fragile site classé du Mont-Blanc.

Participer à l'enquête publique

Donnez votre avis avant le 8 octobre à midi

  • Soit dans sur les registres à la disposition du public dans les mairies des Houches, de Passy et de St Gervais

  • Soit en envoyant votre message par voie électronique 

Résumé des impacts et enjeux du projet

par FNE Haute-Savoie et la LPO Haute-Savoie

Un bilan économique douteux

Des exploitations de bois ont lieu régulièrement dans ce massif, sans besoin d'une route à camions grumiers. Le débardage se fait alors sur place. Le surcoût de ce débardage est de 2€/m3 seulement. Même avec cette route, les frais d'exploitation du bois en montagne resteront plus élevés que ceux des forêts plus accessibles et le bas niveau du cours du bois ne permettra pas de rentabiliser ce projet, même à long terme. Ce projet présente, pour nos associations, un nouveau gaspillage d'argent public.

Un bilan écologique certain

Des espèces rares et protégées Ce projet va impacter un site riche en biodiversité, qui abrite des espèces protégées et menacées, telles que la Gélinotte, les petites chouettes de montagne et les chiroptères et d'autres classées "en danger critique d'extinction", comme le Pic tridactyle, en ce qui concerne la faune, et la Buxbaumie verte et le Lycopode en massue, pour la flore. L'impact sera important au moment des travaux, mais plus encore par l'intensification de l'exploitation forestière qui va en découler.

L'habitat d'un oiseau régulateur du bostryche sera touché

Le bois mort et les arbres dépérissants sont essentiels à la survie du Pic tridactyle. Cet oiseau se nourrit de larves et d’insectes connus communément sous le nom de bostryches. C'est un des principaux prédateurs de ces insectes qui attaquent des arbres de nos forêts localement. S'en prendre à son habitat serait contre-productif dans la lutte contre le fléau du bostryche. Mettre en danger cet oiseau dont il ne reste plus qu'une vingtaine de couples en France actuellement, serait un crime de plus contre la nature.

La santé de la biodiversité

Ce projet vise à rajeunir les peuplements forestiers. Or, les études récentes montrent que la biodiversité est beaucoup plus importante, abondante et riche dans les vieilles forêts que les jeunes ! Plus une forêt vieillit, plus la biodiversité augmente, en lien avec le diamètre des arbres et le développement notamment d'insectes et de champignons.

Les lacunes de l'étude d'impact

  • Un bilan carbone inconnu - Le bilan carbone de ce projet n'a pas encore été calculé, que ce soit concernant les engins nécessaires aux travaux, ou les camions qui circuleront sur la route en phase d'exploitation, comme le pointe l'avis de l'Autorité environnementale (Ae) de juillet 2020. Ce projet va contribuer, comme celui de la piste du Kandahar en 2019, à générer des émissions de gaz à effet de serre dont le massif du Mont-Blanc, déjà visiblement affecté par le changement climatique, se passerait bien. Un bilan carbone global doit être rendu public avant toute prise de décision concernant ce projet.

  • L'impact du revêtement - L'Ae déplore que l'impact du "liant hydraulique" sur l'environnement n'ait pas été évalué. Il est prévu que 3500m de cette route soient recouverts d'un revêtement hydraulique de 35cm d'épaisseur, produit à partir de chaux pour la première couche de 20cm, puis de bitume pour la couche supérieure. 300m seront par ailleurs goudronnés. Dans l'étude d'impact 2, sont listés au point 1.1.9.2, comme effets permanents de la route : "l’imperméabilisation de la route avec le liant hydraulique et l’enrobé sur certains tronçons de la route." De plus, l'utilisation de chaux pour la route aura un impact sur les plantes acidiphiles, comme le Lycopode en massue, présent au bord de la piste actuelle.

  • L’impact sur l'eau et les milieux - Les faiblesses de l'étude d'impact concernant la protection des captages d'eau potable, les traversées de cours d'eau et les zones humides sont dénoncées par l'Ae, qui demande des études complémentaires sur ces points.

  • Et le bilan paysager ? - Le projet traverse le site classé du Mont-Blanc (classé au titre des paysages), sur 3,5km. Une route forestière aura un impact visuel fort, comme peut en témoigner la piste créée par EDF aux Plagnes, au pied du massif du Prarion. Cette piste avait pourtant fait l’objet d’attentions paysagères ! La nouvelle route sera visible du coteau de Passy et Servoz, de Saint-Gervais, de Sallanches…

L’aire de l’étude - Dossier d’étude d’impact

L’aire de l’étude - Dossier d’étude d’impact

Conclusion

  • FNE Haute-Savoie et la LPO Haute-Savoie proposent d'abandonner ce projet dévastateur et de continuer à assurer le débardage des arbres sur place, avec l'étude de solutions d'exploitation plus respectueuses des lieux, en particulier la meilleure utilisation de la ligne ferroviaire du Tramway du Mont-Blanc, ou le recours aux câbles longs.

  • Vouloir exploiter davantage la forêt dans un secteur d'une rare richesse en biodiversité, et de surcroît partiellement situé dans le Site classé du Mont-Blanc, est un non-sens écologique. Laissons de nombreuses espèces rares et protégées survivre et se développer dans ce secteur, qui a beaucoup plus de valeur pour l'intérêt général s'il est laissé en l'état.

Un jeu de roulette russe avec les finances de nos communes

Qui paiera vraiment cette route?

Lors de la réunion du Conseil municipal de Passy du 24 septembre 2020, il a été signalé que les travaux de la route devaient impérativement être terminés, et toutes les factures payées, pour le 5 décembre 2022, afin de pouvoir toucher la subvention européenne (fonds FEADER).

Or, ces travaux ne peuvent pas avoir lieu à n'importe quelle période de l'année. Il faudra trouver les "fenêtres" disponibles, lorsque les espèces présentes dans le massif du Prarion ne seront pas en période de nidification ou d'hivernage. Ces périodes varient selon les espèces et selon le type de travaux prévus, comme le détaillent les pages 120 à 123 de l'étude d'impact volume 2 et en particulier le tableau 27.

 
Tableau 27.png
 

Selon ces dispositifs de protection de la biodiversité, la coupe des arbres pourrait être faite en septembre-octobre 2021. Pour toutes les parties à déboiser, entre le Châtelard et le Plancert, les travaux de terrassement ne pourraient donc débuter qu'à partir d'août 2022, soit dangereusement près de la date fatidique du 5 décembre 2022. Il est peu probable, au vu de l'ampleur du chantier dans cette partie du massif, que les travaux puissent être réalisés dans les temps, c'est à dire en 3 mois environ, avant l'arrivée de l'hiver (de août à octobre 2022 probablement, si tout va bien).

Le risque serait que ces préconisations soient ignorées et que les travaux débutent au mauvais moment pour la biodiversité, sous prétexte de l'urgence de les terminer.

Etant donné les pentes et l'altitude du chantier, les périodes d'intempéries pourraient avoir un impact négatif supplémentaire sur ce calendrier. Il est donc probable que la date du 5 décembre 2022 ne soit pas respectée. Qui paiera alors la facture? Les habitants des Houches, de Passy et de St Gervais? Les Communautés de Communes concernées? Etant donné le refus de solidarité démontré par la municipalité des Houches concernant le versement de l'impôt de péréquation entre les communes, en début de mandat, il est envisageable que les élus des autres communes rechignent à leur tour à aider la commune des Houches.

Un coût sous-estimé

De plus, le coût de 1,4M€HT annoncé semble bien faible par rapport à l'ampleur des travaux à réaliser. La création de la route entre Montcoutant et le col de la Forclaz impliquera des travaux importants, dans des pentes raides. Le chantier dans sa globalité représente 13.655m linéaires, à multiplier par la largeur de la tranchée nécessaire, sachant que la chaussée elle-même fera au minimum 4m de large, à laquelle il faut ajouter les bas côtés et écoulements d'eau. C'est à bas mot un terrassement de 60.000m2, qu'il faudra réaliser, soit 6 hectares, en montagne. Il faut ajouter à cela le coût de l'arrachage des arbres, le coût du revêtement...

Ce chantier va sans aucun doute coûter beaucoup plus cher que ce qui est annoncé dans le dossier d'enquête publique. Quel sera son véritable coût? Et qui financera vraiment ce projet au bout du compte? Ce dossier pourrait devenir un boulet pour les élus concernés, qu'ils traineront tout au long du mandat qui débute à peine. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle?

50% de stocks de bois invendus

Lors du Conseil municipal de la commune des Houches, le 2 octobre 2020, une délibéra;on a été votée afin de réduire les coupes de bois de la forêt communale par l’ONF, de 8 à 2 parcelles. En effet une grande partie des bois de la région sont restés invendus l’an dernier. Le chiffre de 50% d’invendus a été annoncé. Les débouchés économiques du bois sont largement inférieurs à la produc;on actuelle localement. Dans ce contexte, il serait donc injus;fié d'investir de l’argent public dans un projet qui vise à favoriser une exploitation accrue de la forêt. Le projet n'est manifestement pas viable, économiquement parlant.

Anne Inspire1 Comment