Et pourtant les capacités ferroviaires sont là
La galerie de sécurité du Fréjus transformée en 2e tube de circulation
C'était cousu de fil blanc, la galerie de sécurité (de taille démesurée) du Fréjus va être ouverte à la circulation routière en octobre 2021. Nous apprenons aussi que le tunnel du Mont-Blanc va devoir être fermé pendant plusieurs mois pour d'importants travaux sur sa voûte à partir de 2022. Simple coïncidence?
Le ferroviaire dans l'angle mort
Nos décideurs politiques et élus, qui ne cessent de promettre la transition écologique et qui votent des objectifs de "décarbonation" de l'économie et d’amélioration de la qualité de l’air ont une fois de plus opté pour le déversement du trafic routier d'un tunnel sur l'autre. Le ferroviaire reste dans l'angle mort des politiques de transports dans les Alpes françaises.
93% des marchandises traversent les Alpes par la route en France et seulement 7% par le rail.
Malgré les nombreuses promesses politiques, rien n'a été fait ces dernières années pour relancer le fret ferroviaire pour la traversée des Alpes. En 2021, l'Autoroute Ferroviaire Alpine a soufflé ses 18e bougies en phase expérimentale, soit le transport de seulement 30 000 remorques ou camions par an. Passera-t-elle un jour à l'âge adulte et atteindra-t-elle ses capacités réelles de 300 000 remorques et poids lourds par an? Le fret ferroviaire classique retrouvera-t-il un jour sa voie, entièrement rénovée en 2012, sous le Mont-Cenis ?
Les effets d'annonce de la Région
En décembre 2016, Laurent Wauquiez, Président de la Région Auvergne Rhône-Alpes avait annoncé qu’il voulait que le service ferroviaire passe rapidement de 4 à 10 trains par jour, ce qui était techniquement possible. Il voulait l’extension de ce service vers l’est lyonnais et se disait prêt à engager des financements.
En avril 2017, la Région organisait un grand évènement pour recueillir les propositions des associations et acteurs locaux pour imaginer le report des marchandises vers le rail et pour donner une bouffée d'air pur aux vallées alpines. Et puis... plus rien.
Voir les propositions faites par 12 associations
Aujourd'hui nos élus n'ont toujours d'yeux que pour la route et ont décidé que le tunnel routier du Fréjus devrait absorber les 5000 véhicules quotidiens du tunnel du Mont-Blanc (1700 poids lourds et 3600 voitures en moyenne) pendant sa période de fermeture.
Pourtant, il est possible de développer le fret ferroviaire à travers les Alpes et c'est ce que demandent, de façon solidaire, les associations de Savoie et de Haute-Savoie dans une lettre ouverte aux décideurs politiques (ci-dessous).
Les capacités sont là. La Cour des Comptes les a revues à la baisse pour prendre en compte les mesures de sécurité et l’accroissement du trafic TER. Elles restent de 15 millions de tonnes par an, ce qui est significatif puisque le trafic marchandises des deux tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus est d’environ 20 millions de tonnes par an.
Le report du trafic des poids lourds d'une vallée vers l'autre en fonction des besoins ou accidents n’est plus tolérable. Développons enfin une 3e voie, celle du ferroviaire sur les lignes existantes, sans plus attendre. La promesse d'une solution à une échéance toujours plus lointaine n'est pas une réponse à l'urgence climatique et sanitaire liée à la pollution de l'air !
Lettre ouverte des associations aux décideurs
Au Président de la République, Ministre de la Transition Écologique, Préfets, parlementaires et élus régionaux et locaux - 14 juin 2021
Objet : Ouverture de la galerie de sécurité du Tunnel du Fréjus au 2ème semestre 2021
Fermeture du Tunnel du Mont-Blanc en 2022 et 2023
5000 véhicules supplémentaires sur la rocade de Chambéry et en Maurienne dès 2022
La fermeture du tunnel du Mont-Blanc est prévue à échéance de 18 mois pour d'importants travaux (2 mois à l'automne 2022 et 2 mois à l'automne 2023 selon l’ATMB). Dans le même temps, forte coïncidence, la Société Française du Tunnel Routier du Fréjus (SFTRF) annonce l’ouverture de la galerie de sécurité du Fréjus à la circulation routière pour le dernier trimestre de 2021.
Nous demandons des informations et explications sur cette concomitance et sur les modalités et conséquences de cette politique de transport favorisant une fois de plus, le transport routier, en opposition avec tous les discours des autorités.
Nous demandons que les dispositions en faveur du transfert modal du trafic poids-lourds soient prises AVANT la fermeture pour travaux du tunnel du Mont Blanc (TMB). Les 1 700 poids lourds par jour passant dans le tunnel du Mont Blanc doivent être ré-orientés sur le ferroviaire et non sur l’autoroute de Maurienne
En comptant poids-lourds et véhicules particuliers, la fermeture du tunnel du Mont-Blanc occasionnera, pour aller en Italie par l’A43 et le Tunnel du Fréjus, le passage d’environ 5 000 véhicules supplémentaires par jour sur la rocade de Chambéry et en Maurienne, si rien n'était fait pour le transfert vers le rail. Nous rappelons que la ligne ferroviaire Ambérieu – Modane, a été modernisée en 2012. Cette ligne est très largement sous utilisée avec moins de 3 millions de tonnes de marchandises par an alors qu’elle peut en transporter jusqu'à 15 millions.
En attente d’une Enquête Publique formelle et obligatoire nécessaire à sa mise en circulation, nous demandons que le deuxième tube du tunnel du Fréjus soit interdit à la circulation et uniquement ouvert aux services de secours et d’exploitation comme cela était le but initialement annoncé de cet ouvrage. Le droit doit être respecté en Maurienne, par l’État en premier lieu.
Nous demandons également la réformation du jugement du Tribunal Administratif concernant nos associations. Elles ont, en effet, porté un recours contre la Déclaration d’Utilité Publique de 2008, se doutant que l’ouvrage, vu ses grandes dimensions serait destiné en réalité à la circulation et non aux secours. Le juge les a déboutées au motif qu’elles n’avaient pas de raison de penser que la galerie serait en réalité un tube de circulation ! L’histoire montre qu’elles avaient pleinement raison.
Vous trouverez en annexe des précisions sur les justifications de nos demandes.
La transition énergétique nous impose d’agir sans plus tarder. Ne pas utiliser les capacités ferroviaires disponibles aujourd'hui sur la ligne ferroviaire récemment rénovée, est injustifiable et constitue à nos yeux une faute politique et sociale : l’ouverture de cette galerie à la circulation est contraire aux grandes orientations de l’Accord de Paris issu de la COP 21, de la Stratégie Nationale Bas Carbone, des objectifs de l’UE, du projet de loi « Climat » et, enfin, de la Convention Alpine (Traité de droit international que la France a ratifié). Nous rappelons d’ailleurs qu’au lancement du projet de « galerie de sécurité » au tunnel du Fréjus, le Comité de Massif des Alpes demandait le respect de ce traité et s’opposait fermement, dans une motion adoptée le 5 mai 2006 à Annecy, à l’utilisation de cette galerie de sécurité comme voie de circulation.
Nous vous prions de croire à notre détermination et à l’expression de nos sentiments respectueux.
Signataires
France Nature Environnement Auvergne Rhône-Alpes (FNE AURA)
Mountain Wilderness (MW)
Commission internationale pour la Protection des Alpes (CIPRA)
Vivre et Agir en Maurienne (VAM)
Réseau Air 74 (28 associations en Haute-Savoie)
Amis de la Terre
Retombées médiatiques
TV8 MontBlanc - JT du 17/06/21 (à la minute 3’20)
Le Dauphiné Libéré - Savoie : les associations écologistes craignent «5 000 véhicules de plus sur la VRU de Chambéry et en Maurienne»
Enviscope - Doublement du Tunnel du Fréjus : un collectif d’ONG adresse une lettre ouverte aux autorités et aux élus
Et aussi : Mediapart - Argent public: comment Laurent Wauquiez arrose les siens