LES MARCHANDISES vont-elles enfin prendre le train?

Alors que la question du report vers le rail du transport de marchandises dans les Alpes est soigneusement ignorée par tous les gouvernements depuis 20 ans, une fenêtre semble enfin s'ouvrir. Les propositions élaborées par les associations du mouvement France Nature Environnement (FNE) afin de transférer une partie du trafic sur le rail au plus vite ont trouvé écho auprès du Ministre des transports, qui a lancé une mission d'inspection sur le sujet.

 
 

Des travaux de grande ampleur au tunnel du Mont-Blanc

Les longues périodes de fermeture du tunnel du Mont-Blanc, à partir de l'automne 2023, sont pour les associations une opportunité d'agir pour ré-orienter une partie des marchandises vers le rail. Etant donné la nécessité pressante de réduire les émissions des transports pour protéger la santé et le climat, le moment est venu de mettre en place ce report vers le rail à court et moyen terme.

Les planètes s'alignent enfin

D'un point de vue sociétal

Il serait inacceptable aujourd'hui de laisser les camions du tunnel du Mont-Blanc se reporter massivement vers Chambéry, la Maurienne et le tunnel routier du Fréjus. Pendant la première période de fermeture du tunnel du Mont-Blanc pendant 3 semaines à l'automne 2022, 90% des poids lourds se sont dirigés automatiquement vers le Fréjus.

D'un point de vue économique

Les entreprises se tournent de plus en plus vers le transport combiné rail-route, où une partie du trajet est réalisée par la route et une autre par le rail, de préférence sur de longues distances, où le ferroviaire est pertinent et moins cher que la route. Les transporteurs sont désormais ouverts à ce type de solutions, qui permettent de contourner le problème de pénurie de chauffeurs pour les longues distances et celui de l'envol du prix des carburants.

 
 

D'un point de vue politique

Le report vers le rail correspond a plusieurs engagements forts de la France, tels que la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). La Loi Climat Résilience a fixé comme objectif le doublement de la part modale du fret ferroviaire, qui doit passer de 9% en 2019 à 18% d'ici 2030. Pour atteindre ces objectifs, la Stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire a été adoptée en mars 2022, avec une liste de 72 mesures à mettre en œuvre. Localement, le report modal est l’une des 30 actions prioritaires du Plan de Protection de l'Atmosphère de la vallée de l'Arve (action 27).

 
 

D'un point de vue environnemental

Il est bien évident que le rail, surtout pour les longues distances, est une solution écologique pour le transport de marchandises. Il émet 8 fois moins de particules fines et 9 fois moins de CO2 que la route. Les réductions de polluants et le potentiel de décabonation offerts par le rail sont sans pareil dans le domaine des transports.

 
 

Des propositions concrètes

Ces sont des propositions réalistes et concrètes qui ont été mises en lumière par les associations du mouvement FNE, qui ont pris le temps également d'échanger avec des acteurs tels que SNCF Réseau, des élus et même des transporteurs. Il en ressort que le report d'une partie du trafic routier pourrait effectivement être mis sur les rails.

Des capacités ferroviaires sont disponibles d’après SNCF Réseau

Le trafic fret sur la ligne existante du Mont Cenis (Modane) a été divisé par 3 en 20 ans (il est passé de 10 à 3 Mt/an. SNCF Réseau nous a confirmé, lors d'une rencontre en juin 2022, que des capacités fret étaient disponibles sur la ligne ferroviaire existante pour la traversée des Alpes, bien que limitées entre autres par les travaux sur la ligne. Des marges existent donc pour amorcer dès aujourd’hui et sans attendre le report d’une partie des poids lourds vers le rail.

Une montée en puissance possible à moyen terme

SNCF Réseau vient de réaliser une étude pour préciser comment acheminer un trafic fret de 10 Mt/an à l'horizon de 2030, sur la ligne existante Dijon-Modane. Les travaux nécessaires s’avèrent relativement modestes et doivent être engagés et financés sans tarder.

 

© SNCF Réseau

 

Le Conseil d’Orientation des Infrastructures (COI) rapporte que ces travaux sont estimés à 600 millions d’euros, une somme modeste en comparaison des milliards d’euros pour la création de lignes nouvelles. De plus, le gouvernement entend investir dans le ferroviaire et a annoncé, le 24 février 2023 une "nouvelle donne ferroviaire" avec des investissements de 100 milliards d'€ d'ici 2040, dont 1 milliard supplémentaire par an pour la régénération du réseau et 500 millions d’€ par an pour sa modernisation, d’ici la fin du quinquennat.

Des incitations pour les entreprises

Les associations proposent plusieurs dispositifs pour inciter les entreprises à franchir les Alpes par le rail : la création d’un système de bonus-malus expérimental pendant 3 ans, le triplement de l’aide à la pince pour le transport combiné, et une campagne de communication sur les autres aides disponibles, comme les Certificats d’économie d’énergie pour l’achat ou la location de containers, ou la nouvelle aide aux transports par wagons isolés.

Une mission d'inspection est lancée

Les propositions concrètes du mouvement FNE ont été envoyées au cabinet du Ministre des transports Clément Beaune en février 2023. En mars, le cabinet nous informait du lancement d'une mission par l'Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) sur le sujet. Un inspecteur a été nommé et va prochainement auditionner les acteurs de cette question.

 
 

Jamais, en 20 ans de travail et de demandes répétées, les associations avaient obtenu une réponse aussi positive de la part d'un gouvernent. Espérons que cette mission débouche sur des conclusions et une action pour amorcer enfin le report vers le rail, à court et moyen terme, d'une partie des marchandises qui traversent les Alpes par la route aujourd'hui. Nous y veillerons avec une grande attention bien évidemment.